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Survivre et se reconstruire

CHELSEA HOWGATE Collaboration spéciale

Entre les années 1950 et le milieu des années 1990, les membres LGBT des Forces armées canadiennes, de la Gendarmerie royale canadienne et de la fonction publique fédérale ont fait l’objet de discrimination et de harcèlement dans leur milieu de travail.

Richard Girouard est un survivant de ce qui a été appelé la « purge LGBT. » Il se confie sur son parcours tumultueux et sur la difficulté d’être homosexuel au Canada.

Aussi loin que se souvient Richard Girouard, il a toujours subi des agressions et du harcèlement lié à son orientation sexuelle. « J’ai grandi dans un petit village appelé Somerset, en dehors de Winnipeg. J’ai rencontré des difficultés là-bas. On me provoquait, parfois même on me frappait. Même les parents de ceux avec qui j’étais à l’école m’embêtaient. »

Dans les années 1980, Richard Girouard s’engage dans l’armée. Heureux de faire partie de ce corps de métier, il se rappelle exactement comment il a expérimenté la purge LGBT.

« Je travaillais sur la base militaire des Forces canadiennes de Winnipeg, j’étais fier de moi. En 1981, à Winnipeg, je sortais parfois avec des membres de la communauté LGBT de la ville. Lors d’une de ces sorties, je suis tombé sur une fille qui portait son uniforme militaire. Elle me disait avoir été expulsée de l’armée, car elle était lesbienne, et que j’étais le suivant. »

Richard Girouard raconte le lendemain de cette soirée et comment les choses se sont déroulées. « Mon directeur s’est approché de moi et m’a dit qu’il me soupçonnait d’être homosexuel. Pour ce motif, il m’a viré. Je suis immédiatement allé voir mon représentant syndical pour me battre, mais il était trop tard, c’était inutile. À 16 h, j’avais quitté la base pour ne jamais y revenir. »

Des problèmes en santé mentale

En 1982, Richard Girouard a donc perdu son emploi en raison de son orientation sexuelle. Pour se reconstruire, il s’est tourné vers sa famille et ses amis. « Mes meilleurs amis de Winnipeg, ainsi que la majorité de ma famille, m’ont montré leur soutien. Avec mon père, les relations étaient plus compliquées.

« Quand j’ai raconté à mon père ce qui s’est passé à l’armée, il était hors de lui. Pas contre moi ou mes choix, mais contre les militaires. Après ce moment compliqué, je suis sorti beaucoup plus souvent dans des bars gays. J’avais besoin d’être avec des gens qui me ressemblaient. »

Cet évènement passé, Richard Girouard a tenté de rebondir professionnellement, mais les expériences qu’il a connues ont aussi amené leur lot de déceptions et de souffrances. « Après 1982, j’ai subi beaucoup de discriminations à l’embauche. Et même lorsque je réussissais à avoir un emploi, j’évoluais clairement dans des environnements de travail homophobes. »

Du réconfort grâce au Fonds Purge LGBT

Ces multiples difficultés n’ont pas aidé Richard Girouard à s’accepter totalement. Pire, tout cela lui a causé de vrais problèmes de santé mentale. « Cette discrimination a également été aggravée par l’épidémie de sida dans les années 1980. Il y avait de l’hostilité, de l’agressivité passive et de l’ostracisme de la part de mes collègues. »

Après une longue période de dépression et l’enchaînement d’emplois, Richard Girouard a commencé à retrouver un peu d’espoir avec le Fondspurge

LGBT. En 2016, des personnes ayant vécues la purge LGBT ont intenté un recours collectif à l’échelle nationale contre le gouvernement du Canada. Le trio composé de Todd Ross, Martine Roy et Alida Satalic représentait les demandeurs. Une entente historique est intervenue en juin 2018 : on y prévoyait des indemnités totalisant 145 millions de dollars.

Richard Girouard a pu profiter de cette entente pour des frais d’avocat. « Je suis heureux d’avoir reçu de l’argent du Fondspurgelgbt. Grâce à cet argent, j’ai pu avoir un avocat et faire face à cette situation. »

Aujourd’hui, Richard Girouard croit vraiment que le monde va dans le bon sens sur ces sujets-là, même si les discriminations sont encore trop présentes. « Certains ne veulent pas nous accepter. Mais, désolé, nous sommes là. Il faut vivre tous ensemble en société. »

À l’écart des grandes villes, Richard Girouard avoue avoir trouvé la paix après avoir déménagé de Winnipeg.

« J’habite à la campagne juste en dehors de Montréal. Je ne voulais pas trop être en ville. Car, même à Montréal, il y a des gens qui pensent que ce n’est pas normal d’être gay. Mais bon, ça dépend des endroits au Canada.

« Aussi, j’ai commencé, il n’y a pas longtemps, une nouvelle job dans une épicerie. J’aime travailler là-bas. Mes collègues sont très ouverts. Tu peux être gay, lesbienne, n’importe quoi, et tu es accepté. »

À la question de savoir quelles sont les autres choses qui pourraient améliorer les conditions de la communauté LGBT dans les années à venir, Richard Girouard répond : « Un Premier ministre gay! Pourquoi pas? De nos jours, tout est possible. »

Survivant De La Purge

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2021-10-13T07:00:00.0000000Z

2021-10-13T07:00:00.0000000Z

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