La Liberté, édition en ligne

Des anticorps artificiels pour lutter contre la COVID-19

LAËTITIA KERMARREC Collaboration spéciale

Un nouveau médicament, le Sotrovimab, efficace pour combattre des formes légères et modérées de la COVID-19 (1) chez les adultes et les enfants d'au moins 12 ans, a reçu une autorisation provisoire de Santé Canada le 30 juillet 2021. C’est la deuxième autorisation après celle du Remdésivir. (2) Ce traitement ne doit cependant pas se substituer au vaccin à ARN messager, insiste le Dr Philippe Lagacé-wiens, spécialiste des maladies infectieuses. En quoi consiste ce médicament?

Le Sotrovimab apporte au patient des anticorps (3) neutralisant le SARS-COV-2. Ce sont des anticorps produits dans un système artificiel, en laboratoire. Ces molécules sont capables de se fixer sur les protéines spike du SARS-COV-2. Le virus se retrouve alors dans l’incapacité de s’accrocher aux cellules humaines et d’y pénétrer.

Si le virus ne peut pas entrer dans les cellules humaines, alors il ne peut pas se multiplier dans le corps humain, ce qui diminue le risque de progression de l’infection vers une maladie sérieuse.

Surtout chez les patients les plus vulnérables comme les personnes âgées ou ceux qui présentent des comorbidités. Dans ce groupe, il a été démontré que le médicament amoindrissait le risque d’hospitalisation et de mortalité de 85 %. (4)

Pour autant, le Sotrovimab n’est pas à préconiser à chaque cas d’infection...

Oui, pour deux raisons principales. Premièrement parce que ce médicament est très coûteux : il faut compter jusqu’à 1 000 $ pour une seule dose de traitement administrée par intraveineuse.

Deuxièmement, parce que les anticorps injectés sont dits monoclonaux, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas capables de se fixer que sur un site particulier (épitope) du virus, en l’occurrence ici sur son

spike. Alors on comprend que l’efficacité du médicament peut être réduite si une mutation apparaît sur le spike, ce qui est le cas de certains variants.

De plus, il faut savoir que ces médicaments n’ont plus d’intérêt chez les personnes vaccinées, car celles-ci ont déjà produit des anticorps contre le virus.

L’immunisation par le vaccin est donc vraiment la solution pour contrer la pandémie...

Les vaccins sont toujours plus efficaces que les médicaments. De plus, on connaît moins les effets secondaires des médicaments que ceux des vaccins, parce que les tests sont conduits sur des centaines de personnes seulement, contre plusieurs milliers de personnes pour un vaccin. Toutefois, les effets indésirables du Sotrovimab identifiés pour le moment sont assez classiques : fièvre, maux de tête, malaises ou allergies.

Alors je ne m’attends pas à une utilisation très commune de ces anticorps neutralisants. Une idée serait de les prescrire aux individus qui, naturellement, ne produisent pas beaucoup d’anticorps. Je pense par exemple aux immunodéprimés. (5)

Cette expérience de pandémie aura augmenté notre confiance envers les vaccins à ARN messager...

La confiance de la population et celle des gouvernements. On sait désormais qu’ils sont efficaces et que leur développement peut être très rapide, ce qui est un avantage considérable. Moderna et Pfizer prévoient notamment de développer de nouveaux vaccins à ARN messager, parfois même une combinaison de vaccins pour viser plusieurs maladies en même temps. Mais ils n’en sont encore qu’à des études très préliminaires.

La période où l’on s’attend à voir ces nouveaux vaccins à ARN messager apparaître sur le marché dépendra de la maladie visée par le vaccin. Contrairement à la COVID-19, certaines maladies ne se propagent pas vite, donc c’est plus difficile d’étudier l’efficacité et la sécurité du nouveau traitement. C’est le cas par exemple de l’hépatite B.

Je dirais que pour des maladies infectieuses assez communes, on peut s’attendre à les voir apparaître dans les deux à cinq ans, et pour des maladies moins communes dans les cinq à dix ans. (1) Le médicament n’est pas autorisé chez les patients déjà hospitalisés pour la COVID-19, ou chez les patients sous oxygène pour les mêmes raisons.

(2) Le Remdésivir, à la différence du Sotrovimab, n’est pas une thérapie par anticorps. Également, il est autorisé pour les adultes et les adolescents de 12 ans et plus.

(3) Les anticorps sont des protéines naturellement fabriquées par le système immunitaire. Elles aident le système immunitaire à reconnaître et marquer des microbes afin qu’il puisse les détruire.

(4) Voir Earlyc ovid-19 Treatmentw iths ARS-COV-2 Neutralizingantibodysotrovimab publié dans medrxiv par Anil Gupta et d’autres co-auteurs.

L’essai s’appelle COMET-ICE ( Covid-19monoclonalantibody Efficacytrial – Intenttocare

Early) et a été conduit avec le sotrovimab (VIR-7831). Les autres anticorps neutralisants autorisés au Canada en date du 9 juin 2021 sont la combinaison de casirivimab et imdevimab (REGN-COV2).

(5) Une personne immunodéprimée, ou immunosupprimée, est une personne incapable d’avoir des réponses immunitaires normales.

Les immunosuppressions peuvent être causées par différents facteurs, par exemple elles peuvent être induites volontairement pour des raisons médicales pour contrer la maladie de Crohn, la polyarthrite rhumatoïde ou un rejet de greffe.

Covid-19 Medicaments Et Vaccins

fr-ca

2021-10-13T07:00:00.0000000Z

2021-10-13T07:00:00.0000000Z

https://numerique.la-liberte.ca/article/281762747439621

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