La Liberté, édition en ligne

Où en sommes-nous avec la vérité et la réconciliation? (Première partie)

Michel Verrette, le 9 septembre 2021.

Madame la rédactrice,

La Commission de Vérité et Réconciliation (CVR) créée en 2007 dans la cadre de la mise en oeuvre de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens a déposé son rapport final en décembre 2015. Il y aura donc bientôt six ans. Personnellement, je pense que les deux termes, vérité et réconciliation, sur lesquels cette commission a été bâtie sont irréconciliables pour l’instant. Plusieurs obstacles ont été élevés, et continuent à s’élever, sur le chemin de la réconciliation. Explications. Commençons par le côté autochtone où, de toute évidence, les activistes; qu’ils soient Autochtones ou autres, considèrent que la « vérité » doit continuer à être mise dans la face des Canadiens et, même, qu’il faut en accroître l’ampleur en accolant à ces « vérités » des qualificatifs encore plus durs que ceux utilisés par la CVR. Regardons quelques exemples. Passons sur les dénigrements du « colonisateur blanc » et sur la séparation des citoyens du Canada entre « Autochtones » et « Allochtones » donc, entre gens d’ici et étrangers. Pourtant, à ce que les connaissances historiques nous disent, les populations du Canada dites « autochtones » ne sont pas nées in-vitro! Passons aussi sur les destructions de monuments et les demandes non avenues de changement de nom de places, rues et autres. Une demande qui revient souvent de la part des activistes autochtones est de « réécrire l’histoire du Canada » à la lumière des nouvelles découvertes historiques. En tant qu’historien de formation, cette revendication m’interpelle fortement par rapport à la notion de la construction de l’histoire. Est-ce que celleci est cyclique ou est-elle cumulative, progressive comme nous le trouvons, par exemple, en sciences? Est-ce qu’une découverte, aussi importante soitelle, dans ce domaine conduit les auteurs d’histoires scientifiques à faire table rase des connaissances antérieures – ce qui aurait sans doute pour résultat de produire des livres plutôt mince – ou bien met-on les nouvelles découvertes en perspectives avec celles du passé? Le même procédé devrait inspirer celles et ceux qui veulent réécrire l’histoire du Canada. Par exemple, au lieu de bannir John A. Macdonald des livres d’histoire ne serait-il pas plus constructif, tout en conservant le côté pile de son image, de présenter aussi le côté face qui montrerait son rôle dans la mise en place des pensionnats autochtones. À moins que l’on veuille une histoire de style « Big Brother » de George Orwell dans 1984!

D’autres éléments venant du milieu activiste contribuent à envenimer le processus de réconciliation telle la propension au victimisme et au misérabilisme qu’illustre le détournement de sens de mots, mots pourtant historiquement déjà très lourds de sens.

Dans une lettre d’opinion antérieure – La Liberté, 18 au 24 août – j’ai déjà parlé de l’abus de l’utilisation du terme « génocide » sans le qualificatif de « culturel »; expression, « génocide culturel », généralement admise et reconnue pour qualifier les politiques fédérales envers les Autochtones.

Le 9 août, le Winnipeg Free Press publiait une chronique de Niigaan Sinclair intitulé : Students or slaves? Work at residential schools under fire Report finds egregious examples of ‘forced labour and slavery’. Sinclair réfère à la recherche de Anne Lindsay et Karlee Sapoznik sur des écoles résidentielles manitobaines entre 1888 et 1950 où, selon leur interprétation, en raison du sousfinancement gouvernemental, les enfants devaient tant travailler sans salaire que cela constituait un cas flagrant de travail forcé et même d’esclavage, fondement de l’apprentissage dans les écoles résidentielles dirigées par le gouvernement et les Églises. Cette chronique de Sinclair ainsi que l’étude qui la sous-tend me posent deux problèmes. Le premier problème est celui de la méconnaissance évidente du processus d’apprentissage au cours de la période englobée dans l’étude. À l’époque, il n’y avait que très peu d’apprentissage théorique des métiers. Comme le veut le dicton, c’est en forgent qu’on devient forgeron. Donc, quoi de surprenant que l’on fasse travailler les jeunes! Naturellement, tout comme les auteures de l’étude, je dénonce haut et fort les abus qui ont pu être commis en raison du manque de financement des écoles.

Est-ce que des abus qui ont pu être commis dans certaines écoles résidentielles / industrielles nous pouvons conclure être en face d’un système de travail forcé et, même pire, d’esclavage? Pour moi, il ne fait aucun doute que nous sommes en face d’un dérapage notionnel; même si les notions d’esclave et d’esclavage ont connu au XXE siècle une extension phénoménale et qu’on y assimile bien des formes d’abus. Cependant, dans le contexte des écoles résidentielles, même gonflées de leurs nouveaux attributs, l’utilisation de ces notions me semble tout à fait abusive et, surtout, contre-productive dans le cadre du processus de réconciliation. Cet abus notionnel, surtout en contexte historique, ne sert qu’à gonfler le misérabilisme autochtone. Comme si, avec ce dont ces gens ont souffert, ils avaient besoin qu’on ajoute une couche à leurs malheurs et à braquer les « allochtones » en leur lançant encore un peu plus à la face leur méchanceté.

Les quelques exemples d’actions du côté autochtone que nous venons d’évoquer montrent qu’on est loin des sentiers de la réconciliation.

À Vous La Parole

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2021-09-22T07:00:00.0000000Z

2021-09-22T07:00:00.0000000Z

https://numerique.la-liberte.ca/article/281526524195672

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