La Liberté, édition en ligne

Une porte d’entrée vers le cri

Ophélie DOIREAU [email protected]

« Les langues comme le cri n’ont jamais connu de normalisation alors les phrases qui se trouvent dans le livre, certaines personnes ne les écrivent peut-être pas de la même façon. » - Kenneth PAUPANEKIS

Le professeur de cri de l’université du Manitoba, Kenneth Paupanekis, a participé à la publication d’un dictionnaire de poche : Pocketcree,a Phrasebookf or ne arlyall occasions. Un outil, détaillé et pédagogique, pour faire vivre la langue.

C’est par esprit de transmission que le professeur Kenneth Paupanekis a pris part à ce projet. « La maison d’édition, Mazinaate, avait déjà travaillé sur des projets du même genre dans plusieurs langues autochtones, et elle souhaitait également avoir une traduction crie de phrases de la vie quotidienne, alors ils m’ont contacté.

« Dans le livre, on retrouve des indications de comment se prononcent certaines lettres vu qu’il y a des particularités au cri bien qu’on retrouve quelques similarités avec l’anglais.

« Finalement, le but de ce livre était donc d’avoir des phrases pour se débrouiller dans la vie de tous les jours. C’est une base de travail. »

Et si la maison d’édition a approché Kenneth Paupanekis, c’est aussi pour son expertise. « Le cri est ma langue maternelle. J’ai grandi dans la Nation crie de Norway House au Manitoba dans une place assez isolée. Alors quand j’étais petit, je ne parlais même pas anglais, je ne le comprenais pas.

« Si j’enseigne le cri c’est justement pour ne pas perdre cette langue, c’est toujours un défi de trouver des enseignants de cri ou tout simplement de langue autochtone.

« Déjà, si on veut enseigner une langue, il faut comprendre la culture qu’il l’entoure et ce n’est pas forcément facile.

« Et puis pour apprendre une langue il faut la pratiquer : il faut lire dans cette langue, il faut l’entendre et l’écrire. C’est donc beaucoup de conditions à réunir pour favoriser l’épanouissement de la langue surtout quand il n’y a pas toutes les ressources nécessaires. »

| Favoriser la réconciliation

« Apprendre une langue, c’est un effort constant. Et avoir des difficultés à s’exprimer c’est normal, ce n’est pas notre langue maternelle. Moi-même j’ai dû mal à m’exprimer en anglais parce que ce n’est pas ma langue maternelle. »

Ce dictionnaire constitue donc une ressource pour l’épanouissement de la langue crie. C’est un bon moyen pour tous ceux qui veulent l’apprendre comme l’indique Kenneth Paupanekis.

« Je ne sais pas si le livre pourrait participer activement à la réconciliation. Mais il est un outil qui pourrait la favoriser, puisque les gens peuvent apprendre une des langues autochtones. C’est une manière de faire vivre notre culture. Même les Non-autochtones peuvent s’initier, ce qui est une bonne chose, à mon sens.

« D’un point de vue d’ensemble, le livre permet de garder la langue vivante ce qui est très important. À l’université, je vois beaucoup d’étudiants qui s’inscrivent à mon cours parce qu’ils découvrent qu’ils ont des ancêtres cris. »

| Normalisation

« Alors, ils souhaitent en apprendre plus sur cette langue qui a fait partie de leur vie. Ils veulent se la réapproprier parce que, parfois, il se peut que la langue se soit perdue au fur et à mesure des années.

« Le problème avec les langues orales, c’est qu’elles ne sont pas normalisées. Tout comme l’anglais ne l’était pas il y a 300 ans. Mais les langues comme le cri n’ont jamais connu de normalisation alors les phrases qui se trouvent dans le livre, certaines personnes ne les écrivent peut-être pas de la même façon.

« C’est pour cette raison qu’on a pensé à incorporer un tableau d’équivalence des prononciations qui permet de partager davantage cette ressource. »

Kenneth Paupanekis est un amoureux des langues. Il estime que les langues sont le reflet de la culture.

« Ce que j’ai remarqué durant mes études pour mes recherches, c’est à quel point les langues se nourrissent les unes des autres, on le voit parfois entre l’anglais et le français, c’est la même chose pour l’ojibwé et le cri. Je les prends en exemple car ce sont les langues que je connais le mieux.

« Souvent je montre à mes étudiants que certains mots anglais ne viennent pas forcément de l’anglais britannique mais des langues amérindiennes.

« Une autre chose intéressante est que certains endroits sont mal prononcés ou mal enregistrés, de sorte qu’ils ne sont jamais prononcés correctement.

« Pourtant la signification de l’endroit en dit long sur sa géographie, comme Winnipeg signifie eau trouble en cri. Mais ne s’écrit pas ainsi. Ce sont des faits à savoir pour comprendre notre environnement. »

Langue Et Héritage

fr-ca

2021-07-28T07:00:00.0000000Z

2021-07-28T07:00:00.0000000Z

https://numerique.la-liberte.ca/article/281612423432752

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