La Liberté, édition en ligne

Une réforme personnelle

Coordonnateur des communications pour l’archidiosèse de Saint-boniface

Toute révolution commence par une réforme personnelle. Cette pensée de Léo XIII m’est venue intensément à l’esprit après un long entretien téléphonique avec mon neveu Josiah.

Fils d’un père Ojibwé et d’une Canadienne française, Josiah a été élevé en français, à SaintBoniface, loin de la réserve autochtone où il habite maintenant. Durant les années 1990, un concours de circonstances a fait qu’il s’est retrouvé sous ma La découverte, à Kamloops, des dépouilles de 215 enfants enterrés sur le terrain de l’ancien pensionnat indien, a fait surgir de vives émotions. En lui et en moi. Notre conversation n’a pas été facile. La colère des jeunes sur sa réserve est intense. Certains veulent que l’église locale soit rasée. Josiah souhaite qu’elle soit convertie en centre d’accueil pour la jeunesse autochtone. Fervent catholique, je vivais et continue de vivre une gamme d’émotions. Notre entretien a aussi viré aux années passées avec moi. Josiah m’a rappelé les fois que des jeunes Franco-manitobains de son école l’ont traité avec mépris, le harcelant. Au point d’en venir à la violence physique, tout simplement parce qu’il est Autochtone. Est-ce que j’avais fait mon tout possible pour l’aider? À son avis, non.

Et puis, à brûle-pourpoint, est venu le point central :

Pourquoi ne m’as-tu pas parlé de mon héritage ojibwé, ou invité à l’explorer?

J’étais estomaqué. Face à sa question honnête, je n’avais aucune réponse. Du moins, aucune réellement satisfaisante. À l’époque, j’étais préoccupé par la « réussite identitaire » de Josiah. Mais quelle réussite? Et pour quelle identité? Je lui parlais d’injustices commises. De l’acte scolaire de 1916. Des manuels scolaires cachés. De Riel, de Batoche.

Et à Josiah de souligner avec force : Je ne suis pas Métis! Je ne suis pas Canadien français!

C’est vrai. Inscrit dans la narrative francomanitobaine, j’avais commis une grave erreur d’omission. Et contribué ainsi à l’injustice qu’ont subi mon neveu comme personne, et les Premières Nations en général.

Mon intention n’est pas de faire l’inventaire de mes péchés. Mais de reconnaître mon erreur, née d’un manque d’imagination et de vision plus large que celle, trop étroite, du Franco-manitobain qui ne pensait qu’à sa culture et son patrimoine.

J’ai demandé pardon à mon cher neveu. J’espère que ce geste très sincère permettra à notre relation d’avancer plus sainement, dans le respect mutuel. Parce que de la vérité naît la réconciliation. La vraie. Et de fait, l’entretien s’est terminé sur des Je t’aime mutuels.

Ce ne sera pas notre dernier mot. Josiah et moi ne faisons que commencer nos échanges. Je souhaite qu’en participant aux cérémonies autochtones auxquelles il a plus facilement accès, et en s’immergeant dans sa culture, ses blessures pourront davantage guérir. À lui de cheminer comme bon lui semblera. Pour ma part, en imitant mon écoute, ma compassion, mon engagement et tout mon appui. On pourra ainsi marcher ensemble. Il se peut que vous ayez des conversations semblables avec vos proches. Je vous invite à être être, des vérités qu’on vous partagera. La réconciliation est à ce prix. Et au bon Léo XIII, défenseur de la justice sociale, de nous rappeler : toute révolution commence par une réforme personnelle.

Hommage Et Spiritualité

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2021-06-16T07:00:00.0000000Z

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