La Liberté, édition en ligne

La faune sauvage, porteuse de dangers

Avec la visite de coyotes dans la ville de Winnipeg se pose la question des maladies qu'ils peuvent transmettre par l’intermédiaire de virus, de bactéries et de parasites. Dans le regard d’ibrahima Diallo, un animal sauvage ne vient jamais seul.

Laëtitia KERMARREC [email protected]

Le vétérinaire de formation a enseigné la zoologie des vertébrés et invertébrés à l’université de Saint-boniface pendant une quinzaine d’années.

« Beaucoup de pathologies, appelées zoonoses, peuvent être transmises par la faune urbaine. (1) Il peut s’agir de maladies virales, parasitaires ou encore bactériennes.

« Comme maladie virale, on peut penser à la rage. Quand l’animal est contaminé, le virus se trouve dans son corps et dans sa salive. Les coyotes étant carnivores, ils peuvent transmettre la rage aux humains par le biais d’une morsure.

« Des maladies bactériennes peuvent aussi être transmises si on est mordu par l’animal. Cependant, elles sont surtout causées par des bactéries dangereuses, comme Escherichia Coli ou la salmonelle, qu’on retrouve dans les fèces du coyote. »

Pour comprendre comment ces bactéries peuvent ensuite se retrouver dans notre corps, Ibrahima Diallo dresse un scénario possible. « On peut imaginer qu’on promène son chien. Et que le chien décide de se rouler dans la terre souillée par les excréments du coyote. Puis on caresse son chien et on va manger une crème glacée. Des bactéries sont alors ingérées et on tombe malade. »

Il y a aussi la possibilité d’attraper des maladies parasitaires. La principale est causée par un ver parasite du tube digestif de la famille des ténias. « La variété de ténia la plus dangereuse s’appelle Echinococcus. Ce ver fait entre un et sept millimètres. (2) Pour pouvoir se multiplier, il utilise un cycle avec plusieurs hôtes. L’humain ne fait normalement pas partie de ce cycle, mais il peut être contaminé par accident. »

| Un hôte inhabituel

Le professeur d’anatomie et de physiologie précise : « Le plus souvent, Echinococcus vit dans le tube digestif des canidés, comme les chiens, les renards et les coyotes. Ce ver est hermaphrodite, il peut s’autoféconder et donner des oeufs embryonnés qui se retrouvent dans les fèces du coyote. Pour se développer, les oeufs doivent obligatoirement trouver un hôte intermédiaire.

« Cet hôte intermédiaire est un animal qui va ingurgiter les végétaux souillés par les fèces du coyote : un rongeur comme un lapin, ou un herbivore comme un mouton. Une fois ingérés, les oeufs embryonnés donnent des larves qui traversent le tube digestif de l’hôte intermédiaire et s’installent dans ses viscères, son foie ou ses poumons. Là, il forme des kystes où il continue de se développer.

« Pour qu’echinococcus continue à vivre, il faut qu’il trouve son hôte définitif, comme le coyote. Pour ça, le coyote devra manger l’hôte intermédiaire. Alors le ver finira son développement dans l’intestin du carnivore pour devenir adulte. Et le cycle continue.

« Il peut arriver que l’humain devienne hôte intermédiaire pour Echinococcus. On retrouvera alors le ver sous forme de kystes dans le foie ou les poumons. Si l’infestation est massive, la personne pourra même en mourir.

« Sa présence n’est pas évidente à diagnostiquer, parce qu’une infection par Echinococcus se traduit surtout par un mal de ventre. Les gens peuvent donc rester infectés deux à trois ans avant que le diagnostic ne soit posé.

« Pour détecter la présence du parasite, il faut faire une prise de sang et une radiographie, où les kystes ressemblent à des métastases. Si bien qu’au départ, la maladie est souvent confondue avec un cancer.

« Le traitement passe par une chirurgie. Le patient est opéré pour retirer les kystes. Il faut bien faire attention à ne pas les percer. Sinon d’autres vers retombent dans le ventre du malade. La personne reste sous médicaments anti-inflammatoires pendant longtemps. Le foie ou les poumons se réparent bien. »

Ibrahima Diallo rappelle aussi qu’en plus des parasites internes, il existe des parasites externes, comme les tiques, qui peuvent transmettre des maladies. Entre autres, la maladie de Lyme quand la tique est infectée par une bactérie bien spécifique, Borrelia.

(1) Les maladies zoonotiques, ou zoonoses, sont des maladies qui se transmettent de l’animal à l’humain.

(2) Ibrahima Diallo fait référence à l’article du Dr Pierre Plourde et ses collègues intitulé Surveillance du ver solitaire Echinococcus chez les coyotes et les chiens domestiques à Winnipeg, au Manitoba par C.C.K. Tse, J. Bullard, R. Rusk, D. Douma et P.J. Plourde dans Canada Communicable Disease Report, publié en 2019.

Faune Et Pandémie

fr-ca

2021-05-05T07:00:00.0000000Z

2021-05-05T07:00:00.0000000Z

https://numerique.la-liberte.ca/article/281685437709768

La Liberte