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Des dangers guettent le personnel soignant

LAËTITIA KERMARREC [email protected]

Pour le personnel de santé dans les hôpitaux, faire face à la mort au quotidien peut conduire à l'apparition d'un syndrome de stress post-traumatique. Un état qui risque de s’installer peu à peu en raison de la pandémie. Et qui n’est pas évident à diagnostiquer. D’où l’importance des liens familiaux et amicaux.

En temps de pandémie, bien du personnel soignant en première ligne voit des patients décéder tous les jours à cause de la COVID-19. Une réalité qui peut conduire à l’apparition d’un syndrome de stress posttraumatique (SSPT) chez les personnes les plus vulnérables.

Kevin Richardson, spécialiste des traumatismes depuis plus de dix ans, explique que « c’est difficile de prévoir chez qui le SSPT va apparaître. Travailler à l’hôpital en temps de pandémie peut être vraiment traumatisant. Mais tout le monde ne va pas développer un SSPT pour autant.

« En fait, c’est lié à la capacité de résilience de la personne. Et au soutien moral dont elle dispose. Ce que j’appelle des facteurs fluides.

« Certains ont l’air tout de suite très impactés, tandis que d’autres semblent très forts. Mais en réalité ils repoussent leurs sentiments. Ils semblent aller bien. Et le traumatisme revient en puissance, un ou deux ans après l’évènement. C’est pour ça que le SSPT est difficile à diagnostiquer de prime abord pour les thérapeutes.

Le travailleur social agréé à My Winnipeg Therapist précise que « c’est plus facile pour la famille de s’en rendre compte, car les changements sont graduels. Les personnes développant un SSPT se désintéressent peu à peu des activités qu’elles aimaient habituellement. (1)

« Ce désintérêt est accompagné d’un haut niveau d’anxiété. Pour les travailleurs en santé qui font face à la pandémie, le travail est à la source de ces angoisses.

« Confrontés à la mort au quotidien, ils vont avoir peur que leur famille attrapent la COVID-19. Ça peut paraître normal en ces temps particuliers. Mais chez les personnes qui tendent vers le syndrome de stress posttraumatique, la manifestation est extrême. Ils vont par exemple penser : Si ma famille va dehors, elle va attraper tout de suite le virus. »

| L’importance du leadership

« Avec le SSPT, on verra aussi apparaître un changement d’humeur, associé à une baisse d’énergie. Quelqu’un de naturellement détendu, ou qui rit normalement beaucoup, va soudainement devenir pessimiste. Il trouvera la vie difficile. Et verra tout en noir.

« Tout ça sera accompagné de cauchemars et de flashbacks. La personne pourra être en train de faire la vaisselle et, tout à coup, une image persistante d’un patient mort va se présenter devant ses yeux. »

Kevin Richardson a des suggestions pour prévenir le SSPT. « Puisque dans le cas du personnel de santé le traumatisme est lié au travail, il faut que la direction participe à la prévention du SSPT de ses employés. Une idée serait de vérifier régulièrement comment ils vont. L’espoir étant de pouvoir identifier les vulnérabilités des uns et des autres avant que le syndrome ne s’installe.

« Il est aussi important de donner aux employés le sentiment qu’ils contribuent. Il faut qu’ils comprennent que leurs compétences sont importantes pour améliorer la situation. Parce qu’avant de développer un SSPT, les personnes ressentent un sentiment d’impuissance face aux évènements traumatisants.

« Il est essentiel que les travailleurs en santé prennent bien conscience de leur santé mentale. Un problème est le stigma qui peut y être attaché. Il y a cette tendance à croire que les gens qui souffrent de SSPT sont des gens faibles, ou qu’ils font le choix d’être stressés, bien que ce soit en dehors de leur volonté.

« Il faut donc qu’ils aient des gens à qui parler des choses difficiles qu’ils traversent. Ça peut être avec la famille, des amis ou des collègues, mais pas avec n’importe qui. Ils doivent se sentir compris. Et que ceux qui écoutent se soucient vraiment d’eux.

« En dehors du travail, les personnes peuvent prévoir des activités dans lesquelles elles se sentent en sécurité pour contrebalancer le sentiment d’insécurité lié à la pandémie.

« Enfin exprimer la gratitude est une bonne pratique. Il y a toujours moyen d’être reconnaissant pour quelque chose. On peut être reconnaissant du fait qu’on n’est pas malade, alors que d’autres le sont. Ou si on est malade, on peut penser qu’au Canada on sera bien soigné, ce qui n’est pas le cas partout. »

Même s’il n’est pas possible de chiffrer l’augmentation du nombre de cas de SSPT vu la durée de la pandémie, Kevin Richardson affirme qu’ils sont en augmentation.

« Des études menées dans différent pays montrent une augmentation des signes précurseurs du SSPT chez le personnel soignant. Comme on en est encore au début, c’est difficile de conclure pour l’instant. Pour ma part, ce que j’ai pu constater à My Winnipeg Therapist, c’est que des personnes vulnérables qui souffraient d’anxiété avant la pandémie viennent maintenant consulter. »

(1) Kevin Richardson explique que ce désintérêt peut aussi être le signe d’un épuisement professionnel ( burnout). Il reste néanmoins un des marqueurs du SSPT. Le diagnostic pourra être posé en association avec les autres symptômes.

Syndrome Post-traumatique

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2021-05-05T07:00:00.0000000Z

2021-05-05T07:00:00.0000000Z

https://numerique.la-liberte.ca/article/281608128298440

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