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Le grand écart de Lise Gaboury-diallo

Jonathan SEMAH [email protected]

C’est une oeuvre ambitieuse que propose la poète franco-manitobaine. À la fin du mois d’octobre, Lise Gaboury-diallo a sorti son nouvel ouvrage Quatre écarts, publié aux Éditions du Blé. Un livre trilingue, avec des oeuvres visuelles et des styles d’écriture différents à chaque partie.

Du travail, il en a fallu beaucoup à Lise Gaboury-diallo pour proposer enfin Quatre écarts au public. En effet, ce recueil de poésie, qui raconte l’aventure de la vie et les relations humaines, ne s’est pas fait en un jour. Depuis 2009, l’auteure y pense et le prépare. « À cette époque, on m’avait demandé d’écrire des textes pour le Mag Ellipse, une revue de traduction. Le texte que j’ai écrit c’est Cataclysmes, qui est aujourd’hui la dernière partie de mon nouveau livre, Quatre écarts. Le texte a été traduit en anglais et illustré avec quelques tableaux de ma fille, Anna Binta Diallo. J’ai beaucoup aimé cette expérience. »

C’est donc le point de départ de Quatre écarts. Par la suite, au gré des rencontres, elle collabore avec la photographe Laurence Véron qui a vécu 25 ans au Manitoba. À la suite d’un projet commun, Lise Gaboury-diallo se retrouve avec plusieurs clichés de la photographe qui lui inspirent la deuxième partie de Quatre écarts : Fééries. Avec déjà deux parties écrites, Lise Gabourydiallo en fait deux autres ces dernières années. Sirènes et Porosités voient alors le jour. « Très tôt m’est venue l’idée du titre : quatre écarts. Je me suis dit : On va avoir quatre langues : trois idiomes et une langue visuelle, quatre parties et plusieurs artistes. J’aimais l’idée des écarts de la vie quotidienne. J’ai aussi exploré des formes différentes. »

En parlant de formes justement, Lise Gabourydiallo a changé sa manière d’écriture à chacune des quatre parties du livre. Elle explique ce choix. « C’était un défi que je me suis lancé. Là aussi, je voulais m’écarter de la forme traditionnelle. La première partie, illustrée par l’artistepeintre Monique Fillion, est assez conventionnelle même s’il n’y a pas de rimes formelles. La deuxième, c’est notamment un poème en prose dans lequel il n’y a même plus de ponctuation ou très peu. Puis Cataclysmes, au contraire, est très structuré. La plupart des artistes cherchent à se renouveler et faire des choses stimulantes, et je ne fais pas exception à cette envie de nouveau. »

| Une oeuvre trilingue

En plus du format assez original, Lise Gaboury-diallo ne s’est pas arrêtée là. Quatre écarts est une édition trilingue : français, anglais et espagnol. Pour l’anglais, c’est Mark Stout qui s’en est occupé. Il avait déjà traduit plusieurs des oeuvres de l’auteure manitobaine. Pour l’espagnol, la traduction a été faite par María Fernanda Arentsen qui est professeure titulaire au Département d’études françaises, de langues et de littératures à l’université de Saint-boniface, où elle enseigne la littérature et la culture espagnole et latinoaméricaine.

« On a très bien travaillé ensemble, on a eu une belle harmonie. María a été d’une efficacité extraordinaire. Nous nous sommes penchées sur les textes deux étés de suite et l’on a tout fait. Pour Mark, j’étais déjà habituée à son très bon travail. D’ailleurs quand María a vu le travail de Mark, elle a voulu changer des choses pour améliorer encore sa version! (rires) », ajoute Lise Gabourydiallo.

Pendant ce long travail de traduction, Lise Gaboury-diallo indique que le trio ne s’est jamais rencontré en présentiel pour cause de pandémie. María Fernanda Arentsen explique comment la collaboration a eu lieu. « Lise m’a invitée. Elle sait que j’aime beaucoup la poésie. J’écris et je traduis aussi un peu. Il y a eu beaucoup de défis, la traduction n’a pas été simple. Il faut trouver le son et les rimes. Il y a des choses qui ne se disent pas pareil et il faut trouver le moyen de les transmettre. À chaque fois que je revenais sur le livre, je trouvais de nouvelles images. C’était complexe et profond. Le français a une sonorité complètement différente de l’espagnol. À la fin, ça forme un tout très harmonieux. Je crois que Lise a accompli quelque chose d’extraordinaire. »

Mark Stout, qui connaît bien le travail de Lise-gaboury Diallo, s’est justement appuyé sur son expérience pour affiner au mieux sa traduction anglaise. « Ça s’est très bien passé, Lise est une amie. Malgré son immense talent en tant que poète, elle est dépourvue d’ego problématique. Elle est ouverte à l’échange, à la nuance. Elle aime bien les jeux de mots alors je cherche toujours à être sûr de son propos. C’est toujours une grande joie de travailler avec elle. »

| Une oeuvre familiale

En plus de sa fille, Anna Binta Diallo, Lise Gabourydiallo a aussi travaillé avec un autre membre de sa famille : son père. Décédé le 14 octobre dernier, Étienne Gaboury n’a malheureusement pas pu voir l’oeuvre terminée. « Je suis un peu déçue qu’il n’ait pas pu voir la dernière version. Il a vu les épreuves, mais il n’a pas tenu le livre entre ses mains. »

Le célèbre architecte francomanitobain était aussi un artiste dans l’âme. Au cours de sa carrière, il avait notamment collaboré plusieurs fois avec des auteurs et des poètes. Pour Quatre écarts, il a illustré Porosités, la troisième partie du livre. Lise Gaboury-diallo détaille les défis du travail en famille. « Mes parents sont mes premiers lecteurs. Ils ont toujours lu tous mes textes. Mon père avait choisi de travailler sur Porosités, c’était son souhait. Anna Binta, elle, n’a pas pu choisir, car ça s’était fait il y a longtemps. Et avec le temps, Anna Binta et Monique ont voulu revoir leurs oeuvres d’origine pour proposer quelque chose de plus contemporain. »

Lise Gaboury-diallo a d’ailleurs laissé carte blanche à ses illustrateurs. Il n’y avait pas spécialement une direction artistique à respecter. La seule consigne était de pouvoir utiliser de la couleur, car la poète manitobaine voulait publier cette oeuvre en couleur. Pour finir, Lise Gaboury-diallo tient d’ailleurs à souligner toutes les personnes qui ont contribué à cette oeuvre. « C’était une très bonne équipe des illustrateurs jusqu’à la maison d’édition en passant par les traducteurs. J’ai une gratitude que je veux exprimer de manière très sincère. Le livre est beau grâce à ces collaborations très fructueuses. »

Poésie

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